CHLOÉ SILBANO

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SIMILI
4 minutes
2015

«
Consommé,
Se dessiner une ligne, c’était alors faire l’illusion
d’un objet.
En temps de guerre, et avec la pénurie
qui allait de paire, les femmes traçaient une ligne
à l’arrière de leurs jambes pour figurer des bas
qu’elles ne possédaient plus.
Ce manque implique ce remplacement,
ce remplissage de peu de chose.
D’un peu d’encre, d’un trait, on présente
une surface, le bas absent. Et cette surface
alentour au trait, de vide se fait parure.
»






Simili
Performance, 2015
CP5
Paris


















Simili
Performance le 10 mars 2018
Galerie Alma Espace d’Art
Paris



Devant son buste, un rectangle de carton blanc.
Il mesure dans les 60 centimètres de large, sur 80 centimètres de haut. Il est muni de bretelles qui arriment cet espace blanc
à son corps.
Elle se tient là, droite, sans bouger.

Elle joint ses mains, ses avant-bras entrent dans l’espace blanc. Il va cadrer l’action, resserrer le plan, notre attention.

Sur l’un de ses poignées, on devine qu’une figure est tracée. Elle est environ de la largeur de son poignée, face externe
du bras.
C’est un cercle, tracé d’une seule ligne au stylo. Un cercle vide. Sur son contour sont tracés des chiffres. Ce sont les douze
chiffres d’un cadran. Ils forment ainsi le signe minimum d’une montre sur le poignée.

Dans son autre main, elle tient un stylo. Elle démarre l’action.
Elle décapuchonne le stylo, et trace deux aiguilles dans le cadran. Elle remet le capuchon en place, et joints ses mains.
Le cadran affiche une heure sur son poignée, au milieu de son rectangle blanc. Elle attend.

(…)

Maintenant, elle porte son doigt à sa bouche. Elle l’enduit de salive, le mouille, et vient effacer les deux aiguilles du centre
du cadran. Elle frotte, jusqu’à ce qu’elles aient suffisamment disparu.

Elle débouche le stylo, et trace deux autres aiguilles, dans le cercle sur son poignée. Elle referme le stylo, joint ses mains
dans l’espace blanc.

(…)

Elle frotte l’intérieur du cadran. Sa peau se tâche. Elle lèche le bout de son doigt, et finit d’estomper l’aiguille avec sa salive.

Elle trace deux aiguilles plus loin, affiche une autre heure.

(…)

Elle met son doigt sur sa langue. Sa langue est tâchée d’encre. Elle frotte le cadran. Le cercle est brouillé de tous ses passages
qui se sont succédés. La montre est floue et sombre. Il faut arrêter.

Sa langue est noire.